Ce billet est conçu comme un petit dictionnaire pour préparer votre visite de l’exposition Sacré Mormont au Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, à Lausanne, au Palais de Rumine, du 11 mai 2023 au 18 février 2024.
Archéologie – Le Mormont, entre La Sarraz et Eclépens, est un site archéologique majeur de la fin de l’âge du Fer, daté vers 100 avant J.-C. Les aménagements mis au jour sur la colline du Mormont, en particulier de très nombreuses fosses, creusées profondément et renfermant des quantités de vestiges archéologiques soigneusement disposés, témoignent d’activités dont la signification reste à ce jour largement énigmatique.
Le crâne d’un humain adulte et le crâne d’une vache sont déposés soigneusement à l’endroit, le crâne humain partiellement couvert par la cheville osseuse (corne) de la vache (Crédit photo: Christophe Cantin, Archeodunum Investigations Archéologique SA).
Bestiaire – Toute la diversité du cheptel de l’époque est représenté parmi les milliers d’ossements provenant des fosses. L’analyse a permis d’identifier la présence d’au moins 220 bœufs, 97 porcs, 46 chevaux, 109 moutons et chèvres, ainsi que 8 chiens et de la volaille. Tous n’ont pas été consommés : une quarantaine d’animaux ont été déposés entiers dans les fosses. La faune sauvage est anecdotique et ne compte qu’un chevreuil, un ours et un loup.
Fouille fine d’un ensemble de restes animaux (Crédit photo: Christophe Cantin, Archeodunum Investigations Archéologique SA).
Cimenterie – En 2006, une série de sondages préliminaires, dans un secteur voué à une prochaine exploitation par la cimenterie d’Eclépens, ont révélé un nouveau site archéologique, totalement inconnu à ce jour. Dès ce moment, le site du Mormont a fait l’objet de recherches archéologiques régulières jusqu’en 2016, rythmées par les extensions successives de la carrière.
Carrière du Mormont, mars 2020 (Crédit photo: Elpi77 ).
Dépôts – Les fouilles ont révélé d’abondants dépôts d’objets, de natures très diverses : ossements humains et animaux, vaisselle, outils, parures, monnaies et meules à grain. Seules les armes, pourtant emblématiques de la figure du guerrier Celte, manquent à l’appel. L’agencement de dépôts démontrent une volonté de mise en scène.
Outils, fibules, ustensiles et barres de fer (Crédit photo: Musée Cantonal d’archéologie et d’histoire).
Europe – D’importance européenne, le site du Mormont est une découverte qui demeure sans parallèle dans le monde celtique. Les vestiges mis au jour témoignent d’activités multiples, dont le sens demeurent souvent énigmatiques, bien différentes de celles rencontrées sur les sites de cette période.
Fosses – Plus de 250 fosses à offrandes ont été découvertes sur le site. Elles mesurent entre 80 centimètres et 2 mètres de diamètre, pour une profondeur comprise entre 80 centimètres et 5 mètres. La fouille de ces fosses révèle des stratigraphies complexes, qui illustrent la diversité de leurs usages et de leurs modes de comblement. Chacune renfermait des dépôts intentionnels d’objets variés. L’analyse de la répartition des fosses et de leur remplissage démontre une utilisation du Mormont sur une période courte et une gestion rigoureuse de l’espace. Certains secteurs présentent une forte densité de fosses : comme elles ne se recoupent jamais, leurs emplacements devaient être visibles en surface.
Génération – La durée d’occupation du site n’excède probablement pas une ou deux décennies, soit une seule génération, à l’articulation entre la fin du 2e siècle et le début du 1er siècle avant notre ère.
Hectares – Plus de 8 hectares ont été explorés mais les limites du site n’ont pour l’heure pas été identifiées.
Inconnu – Il existe encore beaucoup d’inconnues autour du site, notamment autour de sa signification. Les différentes données sont encore à l’étude et les résultats en cours d’élaboration.
Joug – Des entraves double en fer ont été retrouvées sur le site. Rarement attestées lors de fouilles, les entraves distinguaient les prisonniers, les esclaves ou encore des personnes qui abandonnaient volontairement leur liberté à un puissant. Les entraves doubles permettaient de lier deux individus par le cou.
Entrave double en fer (Crédit photo: Musée Cantonal d’archéologie et d’histoire).
Milieu du monde – La colline du Mormont est un point de partage des eaux. Apparaissant dans le paysage comme un immense rempart, elle sépare les vallées de la Venoge, affluent du Rhône par le Léman, et celle de l’Orbe, affluent du Rhin par le lac de Neuchâtel et l’Aar.
Nature – Anomalie géologique, la nature du calcaire qui compose la colline a profondément contribué à la destinée du lieu et favorisé le développement d’une riche biodiversité. Depuis 1953, ce calcaire est intensivement exploité par une carrière alimentant une cimenterie qui fournit 20% de la consommation en Suisse.
Os – 1 200 ossements humains ont été retrouvés dans près d’un tiers des fosses : des restes de femmes, d’hommes et d’enfants de tous âges, pour un total de 40 à 50 individus. Certains dépôts sont énigmatiques comme des corps entiers en position accroupie ou des têtes coupées. D’un autre côté, plusieurs individus ont bénéficié d’un traitement plus habituel évoquant une sépulture. Finalement, de nombreux ossements isolés se mêlent aux restes animaux dans les amas culinaires : on y trouve des traces de découpe et d’exposition au feu. Ainsi la question d’une éventuelle anthropophagie se pose à propos du Mormont.
Fouille fine de plusieurs squelettes humains (Crédit photo: Christophe Cantin, Archeodunum Investigations Archéologique SA).
Pierres de meules – Plus d’une centaine de meules à grain ont aussi été déposées dans les fosses
Récipients en bronze – Au nombre d’une quinzaine, ils constituent le plus grand ensemble de Suisse avec des situles (seaux), bassins, cruches, bouteilles et gobelets.
Découverte au fond d’une fosse d’une situle déposée l’ouverture vers le bas (Crédit photo: Christophe Cantin, Archeodunum Investigations Archéologique SA).
Sanctuaire – Les aménagements découverts révèlent des pratiques qui n’avaient pas encore été mises en évidence, notamment dans le traitement des corps humains. La singularité des vestiges dégagés, qui ne correspondent pas à ce que l’on connaît généralement dans les habitats ou les nécropoles, conduit naturellement à favoriser les hypothèses de pratiques cultuelles, liées à un sanctuaire. Cette interprétation initiale du site du Mormon est actuellement remise en question et la nature des pratiques mises en évidence au Mormont et de leur place dans le monde celtique font débat au sein des archéologues.
Tribus – La question de l’appartenance tribale des occupants (Helvètes ou Séquanes) reste ouverte.
Vases et vaisselle – La découverte de plus de 500 vases en céramique indique que la vaisselle occupe une place prépondérante dans les fosses du Mormont. Tous les types de récipients et d’ustensiles propres aux différentes étapes de préparation et de consommation des repas sont attestés.
Récipients liés à la boisson (gobelet, tonnelet, situle) et outils en fer (hache, pince et clé) (Crédit photo: Musée Cantonal d’archéologie et d’histoire).
Yverdon-les-Bains – On y trouve un oppidum contemporain du site du Mormont. L’agglomération d’Yverdon se pourvoit de fortifications dès 80 avant notre ère.
ZAD – Zone à défendre. La ZAD de la Colline, établie sur la colline du Mormont en octobre 2020, avait pour but d’empêcher l’extension de la carrière, pour préserver sa biodiversité et son patrimoine archéologique.
Cette liste alphabétique est loin d’être exhaustive. Les données de fouilles sont encore en cours d’étude et d’élaboration. « L’exploitation scientifique de ce site d’envergure européenne offre des avancées inespérées dans la connaissance de l’histoire et de la société des Celtes de la fin de l’âge du Fer en Suisse et en Europe », selon l’archéologie vaudoise.
Et comme s’interrogent les responsables du Musée Cantonal d’archéologie et d’histoire, « après des millénaires de silence, les secrets du Mormont pourront-ils être percés ? »
Evelyne Barman Crotti, Collections académiques, Unithèque
Le Mormont dans les collections de la BCUL