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Que d’émotions ! Histoire et représentations des émotions au fil des siècles

En lien avec les Mystères de l’UNIL, les responsables de collection du site Unithèque vous proposent une sélection de documents sur l’histoire des émotions et leurs représentations au fil des siècles. Une sélection thématique à découvrir sur le site Unithèque du 20 mai au 2 juin 2019 ainsi que dans le catalogue Renouvaud.

Une sélection thématique sur les émotions de l’enfant est également visible sur le site Unithèque du 23 au 26 mai 2019, ainsi que dans le catalogue Renouvaud.

Une société émotionnelle

Nous vivons actuellement dans une société qui met l’accent sur les émotions, que ce soit dans les magazines, les émissions TV, la musique, etc. A l’heure des réseaux sociaux et de la culture de masse, la vie sociale est faite d’émotions, que ce soit dans rue, pour célébrer une victoire sportive, ou bien sur le web, à coup de likes et d’émoticônes. Le culte de l’émotion, à travers la recherche des sensations fortes, est au cœur de la vie moderne : on cherche à se faire peur, on désire ce pic d’adrénaline que provoquent certains sports extrêmes, l’euphorie des cimes par exemple. On cherche également à vibrer derrière son écran, au stade ou lors d’un concert. Les émotions sont au cœur de notre quotidien, mais sont-elles également présentes dans les sciences humaines et sociales ?

Les émotions dans les sciences humaines et sociales

Considérée parfois comme ennemie, mais aussi parfois comme alliée de la raison, l’émotion est devenue, ces dernières années, un objet d’études à part entière. Considérée comme un trait caractéristique de la vie humaine et de son rapport au monde, l’émotion suscite de la part des chercheurs de nombreuses interrogations. Qu’est-ce qu’une émotion ? Quelles sont ces émotions qui nous fabriquent et qui façonnent le monde dans lequel nous vivons ? Comment exprimer ou contrôler nos émotions ? Petit tour d’horizon.

Psychologie

En psychologie, la compréhension du comportement humain exige depuis longtemps la prise en compte des émotions, que ce soit la peur, le dégoût, ou l’empathie. Guidé par les sensations et non seulement par la raison, l’être humain est corps et non seulement esprit. Aujourd’hui, la psychologie aborde les émotions sous l’angle de la biologie et des neurosciences, c’est-à-dire à partir de l’étude du cerveau et des processus neurobiologiques impliqués, par exemple, dans le développement et la régulation du plaisir et de la douleur, mais aussi de l’émerveillement. Par ailleurs, dans une société au sein de laquelle l’injonction à être heureux est de plus en plus présente, le contrôle des émotions devient indispensable. Le développement de la psychologie positive, qui aide à maîtriser ses sentiments négatifs et d’atteindre le bonheur, est sans doute une réponse à cette évolution de la société.

Anthropologie et sociologie

L’anthropologie et la sociologie, à travers l’étude des émotions humaines, montrent à quel point les émotions sont socialement et culturellement construites. Ainsi, la socio-anthropologie interroge depuis quelques années le « capitalisme émotionnel » ou l’intrication de la consommation et des émotions, qui génère ce que la sociologue Eva Illouz nomme les « marchandises émotionnelles ». Ces nouvelles marchandises produites par des industries aussi diverses que celles du tourisme, du sexe, de la musique ou des psychothérapies, visent le développement personnel, l’amélioration du moi.
La sociologue américaine Arlie R. Hochschild a forgé, de son côté, le concept de « travail émotionnel » pour décrire comment les individus gèrent leurs émotions dans vie quotidienne et le travail, afin de les mettre en adéquation avec les attentes sociales. Selon elle, les émotions et les sentiments sont gouvernés par des conventions et des règles sociales. Dans la sphère privée, les situations et les interactions avec notre entourage nous poussent à suivre des «règles de sentiments», comme le fait d’être joyeux à une fête, triste à un enterrement ou d’éprouver de l’amour pour ses enfants. Le monde professionnel est également traversé par les émotions, que ce soient celles que l’employé se doit d’avoir face à son client ou celles qu’il doit susciter chez lui par son comportement. La sociologue relie ces émotions individuelles aux structures socio-économiques de nos sociétés contemporaines et nous montre comment le capitalisme produit une standardisation et une marchandisation des sentiments.

Histoire

Dès lors que l’on considère les émotions comme des faits sociaux ou des constructions culturelles, il est évident qu’elles varient aussi dans le temps et l’espace. Que ce soit l’histoire de la peur, l’histoire de l’amour et de l’amitié, ou bien l’histoire de l’ennui, l’histoire des émotions met en évidence les différents modes d’expression des sentiments, qui varient d’une époque à l’autre. De quoi a-t-on peur dans l’Antiquité ? Qu’est-ce qui faisait rire les Grecs ? L’expression du visage, enfin, est également objet d’études pour les historiens, dès lors que, selon l’époque et le lieu étudié, le visage permet à l’individu d’exprimer ou taire ses émotions.

Philosophie

L’histoire de la philosophie étudie les différentes théories des émotions au fil des siècles, que ce soit les passions antiques et médiévales, l’amitié, le désir, l’amour ou encore la honte. La question centrale du rapport conflictuel (ou non) entre passion et raison, déjà présente dans la République de Platon, par exemple, ressurgit dans l’ouvrage de Ruwen Ogien, Philosopher ou faire l’amour, consacré à l’analyse rigoureuse, c’est-à-dire rationnelle, de l’amour. D’autres philosophes explorent les émotions pour mieux comprendre l’homme et le monde tel qu’il est, par nature ou par culture. Ainsi, la pléonexie, ce désir de vouloir toujours plus, est-elle une émotion tolérable aujourd’hui, dans une société caractérisée par la concentration des richesses et par la surconsommation ?

Linguistique

La linguistique étudie la manière dont les émotions se traduisent dans le discours, en particulier à travers l’analyse des différents moyens d’exprimer et de représenter une émotion, ce qui peut varier d’une langue à l’autre (Aimer, haïr, menacer, flatter… en moyen français) et d’un milieu social à l’autre (cartographie des émotions). L’analyse du discours permet de comprendre la place des émotions dans l’argumentation, souvent très importante. La thèse de Raphaël Micheli, par exemple, porte sur les débats parlementaires autour de l’abolition de la peine de mort, et montre à quel point les émotions ne sont pas seulement utilisées pour appuyer une argumentation, mais peuvent devenir un argument en elles-mêmes.

Art, littérature et cinéma

Dans l’art et la littérature, l’émotion prend différentes formes, que ce soit l’écrivain qui transcrit une expérience traumatique, le poète exprimant sa passion amoureuse, ou l’artiste romantique exprimant à travers coups de pinceaux et notes de musique le sentiment du sublime. Le cinéma, quant à lui, possède une étonnante facilité à susciter l’émotion, à inspirer la pitié, la peur, mais aussi l’enthousiasme, le rire et la joie de vivre. La série TV, quant à elle, permet aux scénaristes d’approfondir d’un épisode à l’autre les sentiments des personnages, ce qui induit souvent chez le spectateur une identification très forte.

Pour approfondir sérieusement certains de ces aspects ou bien vibrer à la lecture des recherches les plus récentes sur les émotions, venez découvrir avec enthousiasme notre sélection de documents à l’Unithèque, ou bien parcourez-la calmement depuis chez vous à cette adresse. Bonne lecture !