Dante Alighieri n’a certainement pas besoin de présentations !
Son œuvre La Divina Commedia a été au fil des siècles une source d’inspiration pour des générations de compositeurs. Les sentiments et surtout les personnages des trois cantiche du poème – Inferno (Enfer), Purgatorio (Purgatoire) et Paradiso (Paradis) – ont été mis en musique sous les formes musicales les plus diverses. Du madrigal à la symphonie en passant par la romance et le mélodrame, l’opéra contemporain et la musique rock, métal et électronique.
Le célèbre madrigal « Quivi sospiri, pianti ed alti guai » de Luzzasco Luzzaschi (Secondo libro de Madrigali a 5, Venice, 1576), par exemple, reprend des vers de l’Inferno. Et le voyage du poète florentin à travers l’Enfer fait également écho dans l’un des premiers opéras de l’histoire de la musique : l’air de l’Espérance « Ecco l’atra palude, ecco il nocchiero » du III acte de L’Orfeo, favola in musica de Claudio Monteverdi (1607).
La Divina Commedia prend un intérêt particulier chez les compositeurs romantiques du 19e siècle. Sans surprise ! Au 19e siècle, le Moyen Âge est pris comme exemple et est exhumé par l’injuste accusation séculaire d’un « siècle sombre ».
Nombreux sont alors les compositeurs qui dédient leur art au génie florentin. La Dante-Symphonie de Franz Liszt en est un exemple très parlant ainsi que la Sinfonia Dante de Giovanni Pacini. Liszt écrit également une sonate pour piano Après une lecture du Dante : fantasia quasi sonata publiée dans le deuxième volume des Années de pèlerinage, Italie.
Mais le 19e siècle est le siècle du mélodrame par excellence. Et les personnages de La Divina Commedia reprennent vie dans plusieurs opéras.
Tout d’abord, Francesca da Rimini, protagoniste de l’amour incestueux avec son beau-frère Paolo. Les deux jeunes amants sont immortalisés dans le chant V de l’Enfer. Ici, la tragédie est transformée en véritable mythe, croisant les thèmes populaires de l’amour interdit et de la damnation éternelle. Saverio Mercadante, Pietro Generali, Ambroise Thomas, Riccardo Zandonai (d’après la pièce de Gabriele D’Annunzio inspirée par Dante), lui consacrent un opéra. Amilcare Ponchielli une cantate, Gioachino Rossini un Recitativo ritmato pour mezzo-soprano et piano « Farò come colui che piange e dice » et Tchaïkovski une Francesca da Rimini, fantaisie symphonique d’après Dante.
Dans le chant XXX de l’Enfer, Dante rencontre Gianni Schicchi, chevalier condamné pour falsification de personne. Ce personnage ainsi que son histoire sont repris dans le Trittico de Puccini (cycle de trois opéras comprenant Gianni Schicchi, Il Tabarro et Suor Angelica).
Donizetti, quant à lui, sera inspiré par l’infernal Conte Ugolino et le personnage purgatorial de Pia de’ Tolomei auxquels il consacrera deux titres de sa production : la cantate Il Canto XXXIII della Divina commedia et l’opéra Pia de’ Tolomei.
La prière à la Vierge Marie « Vergine madre, figlia del tuo Figlio » de Saint Bernard, le guide du poète à travers le Paradis, inspire Giuseppe Verdi. Il compose les Laudi alla Vergine Maria, une composition sacrée faisant partie du recueil Quattro pezzi sacri.
L’influence de Dante et de ses personnages se poursuit également au 20e siècle et aux temps modernes. Serge Rachmaninoff dédie un opéra à Francesca da Rimini, Max Reger compose l’Inferno Fantasie (Symphonic Fantasia and Fugue op. 57 pour orgue), Paul August von Klenau la Dante Symphonie, Salvatore Sciarrino les musiques de scènes La Divina Commedia et Paradiso.
En 2007, Monseigneur Marco Frisin compose La Divina Commedia Opera Musical, première transposition musicale du chef-d’œuvre dantesque, produit par la Musical International Company.
L’opéra Inferno de la compositrice italienne Lucia Ronchetti, sera créé pour la première fois à Francfort le 27 juin 2021.
Et dans la musique rock ?
Dans l’album UT (1972), le groupe musical italien de rock progressif New Trolls chante « Paolo e Francesca ».
Pia de’ Tolomei est, au contraire, le protagoniste de l’opéra rock de la chanteuse italienne Gianna Nannini. Les 11 chansons du spectacle, réinterprétation rock du récit, ont été récoltées dans son album Pia come la canto io (2007).
Le groupe romain Metamorfosi, quant à lui, il est inspiré par l’entier du voyage de Dante et sort une trilogie : l’album-concept Inferno (1973), Paradiso (2004) et Purgatorio (2016). Les textes mettent à jour le poème original en plaçant les politiciens, les racistes et les trafiquants de drogue parmi les tortures éternelles.
Mais le heavy metal est certainement le genre musical rock qui a naturellement été le plus influencé par l’ambiance sombre, tourmentée et les sons grinçants des vers du poème dantesque. Il n’en fallait pas moins pour en faire l’une des œuvres les plus prisées des groupes de métal….
En 2006, la sortie de l’album-concept Dante XXI des légendaires Sepultura, icônes brésiliennes du death-metal, fait sensation. Parmi des décibels insensés et des cris gutturaux, il raconte de bêtes sauvages et de bois obscur.
Auparavant, le groupe heavy metal américain Iced Earth, chante le monumental – de plus de 16 minutes ! – « Dante’s Inferno » publié dans l’album Burnt Offerings (1995).
De nos jours, le groupe de death metal symphonique grec Septicflesh nous plonge dans l’atmosphère effrayante du poème dantesque avec son Dante’s Inferno (2017). Les trois premiers vers originaux du chant III – chant dans lequel Dante et son guide Virgile arrivent devant les portes de l’Enfer – sont cités en épigraphe.
Compte tenu d’une certaine facilité de production et de l’envie d’explorer des territoires non moins obscurs que ceux du métal, l’électronique est également un genre musical qui s’inspire largement de Dante. Le compositeur belge Dirk Serries, alias vidnaObmana, fasciné par l’Enfer, lui consacre une trilogie : Tremor, Spore et Legacy. Le célèbre producteur techno Scanner, quant à lui, est l’auteur de la musique de Dante’s Inferno, une version audio du voyage du poète florentin avec plusieurs narrateurs.
Et le rap ?
Le rappeur italien Murubutu, pseudonyme d’Alessio Mariani, dont la musique est définie comme « rap d’inspiration littéraire », ne pouvait ne pas s’inspirer du sommo poeta. Son album Infernum de 2020 avec le titre « Paolo e Francesca » n’ont pas besoin de commentaire.
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